Une odeur

J’avance, les mains dans les poches d’un jeans trop serré, la tête légèrement baissée pour sentir le vent frôler ma barbe sombre. Son souffle chaud me rappelle que la nuit n’apporte plus de fraîcheur depuis bien longtemps. Ça fait des années que les étés sont des fours aux portes ouvertes. Ma chemise noire, ouverte sur un tee-shirt gris, me colle aux poils. Très vite, une odeur s’installe. 

Je marche sur du bitume qui transpire. La ruelle suinte. Elle suffoque, peine à trouver le repos dans le moment où le jour n’est plus. Comme il n’est pas possible pour elle de dormir, la voilà qu’elle se venge sur mes pieds qui se collent au sol à chacun de mes pas. Hé, va falloir t’habituer ma grande… je le fais bien, moi.

Le Loup, lui, dort sans aucune peine. Lové dans la cage de mes cotes, il ronfle, mais avec une oreille toujours dressée. Je sais qu’il lèvera la gueule au premier signal.

Le club apparait au bout de la ruelle. Sa porte battante crache par intermittent le pouls des basses. Deux videurs se tiennent là, silhouettes massives, sans regards apparents. On se connait. Je leur adresse un signe bref en un grognement poli, et j’entre.

L’air de l’intérieur m’engloutit aussitôt. Il est saturé de sueur fraîche et séchée, d’alcool renversé, de parfums qui n’en sont plus vraiment. Je décèle en dessous, plus subtil mais plus puissant, la fragrance humaine dans ce qu’elle a de plus cru.